Tout cultivateur qui a déjà passé plusieurs saisons connaît ce moment : on entre dans la salle de culture et on voit une fine poussière blanchâtre sur quelques feuilles. Ce n’est ni de la poussière, ni du terreau… c’est bien l’oïdium. Une maladie facile à repérer, mais très coriace à éliminer. Si on la laisse s’installer, elle peut rapidement diminuer la photosynthèse, ralentir la croissance et réduire la qualité des fleurs.
C’est quoi exactement et d’où ça vient ?
L’oïdium est causé par des champignons de la famille des Erysiphaceae. Leurs spores voyagent dans l’air, se fixent sur les feuilles et germent dès que les conditions sont favorables : chaleur, humidité, air stagnant. Il n’y a pas besoin de feuilles mouillées ; une humidité élevée et peu de circulation suffisent. Voilà pourquoi la maladie sévit aussi bien dans les jardins extérieurs touffus que dans les box indoor trop serrés.
Les premiers signes – comment différencier l’oïdium de la poussière ?
Au début, ce sont juste petits points crayeux. On les essuie du doigt, ils disparaissent, mais reviennent le lendemain. Peu à peu, les taches s’étendent, les bords des feuilles jaunissent et le limbe se recourbe. Dans les cas extrêmes, le dépôt blanc touche les pétioles et nouvelles pousses ; chez les variétés à fleurs denses, il peut même contaminer les têtes, impactant vite l’arôme et l’aspect final.
Ce qui limite réellement le risque (et pourquoi) :
Gardez l’humidité sous contrôle. 50–60% en croissance, 40–50% en floraison. Les baisses de température la nuit = condensation = problèmes.
Assurez une circulation d’air douce mais constante. Deux niveaux : échange d’air général (extraction + entrée) et un brassage léger sur le sommet du feuillage, pour éviter les zones mortes.
Structurez vos plantes intelligemment. Taille et défoliation raisonnables pour que lumière et air arrivent jusqu’à la base. Un fouillis de feuilles favorise l’oïdium.
Arrosage réfléchi. Arrosez juste avant d’allumer les lampes ou le matin en extérieur – une humidité nocturne élevée invite le pathogène.
Hygiène stricte. Nettoyez les filtres, lavez les surfaces, désinfectez les outils ; les spores voyagent aussi sur les vêtements.
Si le dépôt blanc est déjà là, que faire et que éviter ?
Le pire serait de négliger, pensant que « ce n’est que quelques taches ». Les méthodes biologiques et les traitements classiques de contact fonctionnent – l’essentiel est la régularité des soins et des ajustements climatiques.
Approche biologique (douce pour la culture) :
Lait 1:10 (lait/eau) – pulvériser tous les 3–4 jours pendant deux semaines. Les protéines et la lactoferrine du lait gênent le développement du champignon.
Bacillus subtilis / B. amyloliquefaciens – des préparations microbiologiques qui colonisent la surface des feuilles et expulsent le pathogène.
Extraits de prêle, ail, huiles naturelles (neem, paraffine) – effet contact ; à utiliser quand les lampes sont éteintes et jamais en période de forte chaleur.
Bicarbonate de potassium (KHCO₃) – élève localement le pH du limbe ; effet rapide qui repousse l’infection.
Traitements classiques (efficaces, à manipuler avec précaution) :
Soufre (mouillable/colloïdal) – standard contre l’oïdium ; ne pas utiliser avec les huiles (attendre au moins 2 semaines entre deux applications), éviter en fin de floraison.
Les fongicides systémiques à base de triazoles ou strobilurines peuvent être efficaces, mais leur usage sur le cannabis est souvent réglementé – vérifiez les lois locales et les délais de sécurité.
La sécurité avant tout : pulvérisez toujours lampes éteintes, portez un masque, des lunettes et des gants, assurez une bonne ventilation. Mieux vaut deux soins légers qu’un traitement « fort » improvisé.
Plan d’action rapide sur 7 jours :
Jour 0 – inspection et propreté. Retirez les feuilles très infectées (ne pas composter dedans !), nettoyez les surfaces, filtrez l’air. Réglez le climat : baissez l’humidité, augmentez la circulation.
Jour 1 – traitement de contact. Pulvérisez bicarbonate de potassium + mouillant (bien couvrir, dessus et dessous des feuilles).
Jour 3 – renfort biologique. Pulvérisez Bacillus (selon l’étiquette) ou lait dilué, en alternance avec KHCO₃.
Jour 5 – répétition. Si le dépôt réapparaît, refaites KHCO₃ ; si ça va mieux, continuez la microbiologie.
Jour 7 – bilan. Pas d’amélioration ? En croissance, le soufre peut être envisagé. En fin de floraison, privilégiez les méthodes biologiques et le contrôle du climat : ne risquez pas de résidus sur les fleurs.
Mini-guide (quand utiliser quoi) :
Situation dans la culture | À privilégier en premier | À éviter |
---|---|---|
Premières taches en croissance | KHCO₃ + Bacillus + taille | Soufre + huiles en même temps |
Début de floraison, météo humide | KHCO₃ / Bacillus, + aération | Huiles concentrées en période de chaleur |
Fin de floraison (pré-récolte) | Biologie douce, prélèvement localisé | Soufre, fongicides systémiques longue DL |
Canopée dense, peu de mouvements | Taille sélective, deux ventilateurs | "Tunnel de vent" direct sur les fleurs |
Pourquoi ça marche ?
L’oïdium vit à la surface du limbe. Il n’est pas nécessaire de « traiter » la plante entière – il faut simplement modifier les conditions sur la feuille et son microclimat : relever le pH (bicarbonate), occuper la place avec des bactéries bénéfiques (Bacillus), interrompre le cycle des spores (soufre), et surtout enlever l’humidité et la stagnation de l’air. Si votre climat est maîtrisé, les soins ne sont qu’un coup de pouce final.
En résumé
L’oïdium n’est pas la fin du monde, mais reste un test de discipline. Qui gère l’humidité, assure la circulation d’air et taille sans hésiter, voit rarement cette maladie et la gère vite. Espérer « que ça parte tout seul » revient à donner au champignon ce qu’il attend : du temps.
Climat et propreté d’abord, soins ensuite, et répéter les applications plutôt que compter sur un « spray miracle ». C’est tout ce qu’il faut pour que cette poudre blanche ne soit qu’un petit incident vite réglé dans le carnet du cultivateur.